Avertissement. Il n’est pas facile, lorsqu’on s’adresse à un large public, d’aborder un sujet aussi technique et interne à l’univers enseignant que le système des mutations, dont même le nom générique – le « mouvement » – est déjà un premier obstacle à la communication.
Le dédoublement de ce « mouvement » en deux systèmes différents, selon qu’il s’agit de l’enseignement primaire ou secondaire, est également, de ce point de vue, une entrave.
Il faut compter aussi avec son découpage en deux phases successives aux appellations ingrates (mouvement inter-académique ou interdépartemental pour la première, intra-académique ou intra-départemental pour la seconde). Sans oublier que les règles appliquées lors de ces deux phases sont différentes.
Certains syndicats ayant attiré l’attention, ces dernières années, sur un ralentissement (voire un blocage) des mutations, lié notamment aux effets des suppressions de postes, j’ai donc été chargé d’enquêter sur ce sujet.
Il en résulte deux articles. Le premier s’efforce de décrire la situation d’ensemble, l’autre livre des témoignages personnels. Terminés une première fois à la mi-mars, puis réactualisés et terminés à nouveau fin mai, ces articles n’ont pas été publiés.
Le fait de différer la publication d’un article, sous l’effet de contraintes techniques et dans l’attente du meilleur « créneau » éditorial, est toujours contrariant pour l’auteur mais très banal dans la vie d’une rédaction. Moins fréquemment, il peut arriver que des reports successifs aboutissent de fait à une non-publication.
C’est ce qui s’est produit pour ces deux articles. Ne pouvant me résoudre à ce que ce travail soit perdu, j’essaye de compenser cette déception en les auto-publiant ici, malgré le décalage dans le temps et la différence de nature entre un article du journal et un billet de blog.
J’en profite pour livrer ces deux articles à la sagacité critique des lecteurs de ce blog. N’hésitez pas, si vous y décelez des erreurs ou des insuffisances à me les signaler. Je ne m’attends pas à un flot de commentaires en ce début août, mais je me livrerai à un petit rappel à la rentrée.
Au fait, bonne vacances !
L.C.
Changer de poste devient plus difficile pour les enseignants
Un nouveau souci vient peser sur les enseignants : leurs demandes de mutation sont toujours aussi nombreuses, mais la proportion de celles qui sont satisfaites est en baisse sensible ces dernières années. Dans l’enseignement primaire, le phénomène va s’accentuer à la rentrée 2011. Dans le secondaire, la situation était relativement stable jusqu’à l’année scolaire en cours selon les statistiques du ministère, mais les chiffres ne sont pas encore disponibles pour la prochaine rentrée.
Le vivier se restreint
L’idée s’installe parmi les enseignants, qu’il leur sera plus difficile de « réussir leur mobilité », pour employer le vocabulaire officiel. Dans une profession où l’on tient par le mental, le sujet accentue le ressentiment lié aux suppressions de postes – environ 66 000 depuis 2007 si l’on compte les 16 000 programmées pour la rentrée 2011.
Certes, de nombreux autres paramètres – selon les disciplines scolaires, les corps, les niveaux d’enseignement et les zones géographiques – influent sur les mutations au sein de l’Education nationale. Certaines académies, notamment celles du sud de la France, sont visées par des demandeurs qui, massivement, souhaitent quitter d’autres académies comme celle de Créteil, Versailles ou Lille.
Il n’empêche qu’à réglementation inchangée, un facteur l’emporte mécaniquement sur les autres : l’accumulation des suppressions de postes restreint peu à peu le vivier des mutations possibles. Au même moment, ce vivier est grignoté, suite à la réforme de la formation des enseignants, par l’affectation prioritaire d’enseignants stagiaires sur certains postes moins exposés.
Toutes les demandes de mutation, qu’elles soient interdépartementales (pour le l’enseignement primaire) ou inter-académiques (pour le second degré) sont classées en fonction d’un barème individuel où le nombre de points est fonction de l’échelon, de l’ancienneté, de la situation familiale, de l’état de santé… Mais un « bon barème » ne suffit pas : il faut aussi qu’un poste soit libéré à l’endroit demandé.
Le changement d’académie ou de département n’est que la première phase du régime des mutations – appelé « mouvement » dans l’éducation nationale. La demande est formulée en novembre et la réponse connue en mars. La deuxième phase du « mouvement » est celle de l’affectation à un poste précis. Elle est dite intra-départementale dans l’enseignement primaire, et intra-académique dans l’enseignement secondaire.
Pour cette deuxième phase, les résultats s’échelonnent entre la fin mai et le début juin pour le primaire, entre la fin juin et le début juillet pour le secondaire. A ce stade, le barème national ne compte plus : chaque rectorat ou chaque inspection académique ayant ses propres règles, les affectations se font selon un barème académique…
Un « tour de vis » dans le primaire
Le primaire a été moins touché ces dernières années que le secondaire par les suppressions de postes. Sur l’année scolaire 2010-2011 qui s’achève, il connaît même une situation éphémère de « surnombre » d’environ 5 000 postes, liée un effet technique de la réforme de la formation des enseignants. Mais le tour de vis est déjà engagé. « Dans les départements, les inspecteurs d’académie, assure Sébastien Sihre, secrétaire général du Snuipp-FSU, ne veulent plus prendre aucun risque sur leurs prévisions ».
En conséquence, « jamais, il n’a été si difficile de changer de département », estime le syndicat, qui a publié, fin mars, des chiffres confirmés ensuite par le ministère. Sur les 17 104 enseignants des écoles ayant demandé, pour la rentrée 2011, leur mutation dans un autre département, 29,2 %, soit 4 993 personnes, obtiennent satisfaction contre 37,08 % en 2010, 35,74 % en 2009 et surtout 45,76 % en 2004.
Le syndicat précise que pour les mutations au titre du rapprochement de conjoints, « à peine un enseignant concerné sur deux a obtenu satisfaction » soit 53,20 % en 2011 contre 65,30 % en 2010. Enfin et pour la première fois, « 32 demandes au titre du handicap, pourtant priorité du ministère, restent non satisfaites ». Les enseignants qui n’ont pas obtenu satisfaction peuvent toutefois participer à une phase d’ajustement, hors informatique, au cours de laquelle certains dossiers sont repêchés.
La phase intra-départementale, au cours de laquelle ceux qui ont obtenu leur mutation vont être nommés sur un poste précis dans une école, est en cours en ce moment, chaque demande étant examinée par des commissions paritaires composées de représentants de l’administration et des syndicats.
Pas de chiffres pour le secondaire
Pour le second degré, aucun chiffre concernant la rentrée 2011 n’a été rendu public par le ministère, « malgré nos demandes réitérées », déplorent les syndicats. Sollicité par Le Monde, le ministère répond qu’il est « beaucoup trop tôt » pour cela et qu’il convient d’attendre la fin, début juillet, de la phase intra-académique. Seules les statistiques de l’année précédente sont disponibles.
Josette Théophile, directrice générale des ressources humaines, indique que 27 500 demandes de mutation inter-académiques ont été formulées en 2010-2011, dont 41,9% on été satisfaites, contre 43,2% en 2009-2010 et 41,3% en 2008-2009. Devant cette « quasi stabilité » sur plusieurs années, elle récuse toute prévision catastrophiste.
Mais Pierre Claustre, responsable du Snes-FSU pour l’académie de Créteil, estime que les mutations sont devenues « un sujet majeur d’inquiétude ». Selon lui « 46% des demandes émanant d’enseignants déjà en poste dans l’académie obtenaient satisfaction en 2009 et seulement 40% l’an dernier ».
A ces critiques, Josette Théophile répond que les mutations dépendent « des postes disponibles et à pourvoir en fonction de la capacité d’accueil des académies concernées ». « On ne peut pas satisfaire tout le monde ! D’autant que ce sont toujours les mêmes académies qui sont demandées. On ne peut pas rajouter un enseignant quelque part parce que quelqu’un veut venir. Ce n’est pas réaliste, quelle organisation fonctionnerait ainsi ?»
Les syndicats rétorquent que, justement, le ministère refuse d’indiquer avant le début de la procédure les capacités d’accueil des académies ou des départements. Ils ajoutent qu’à certains endroits où des mutations sont refusées, l’administration embauche des contractuels. L’incompréhension règne.
Luc Cédelle
A suivre