Enseignants : coup de froid sur les mutations (1) Un système casse-tête

Brochure du syndicat CGT Educ'action

Avertissement. Il n’est pas facile, lorsqu’on s’adresse à un large public, d’aborder un sujet aussi technique et interne à l’univers enseignant que le système des mutations, dont même le nom générique – le « mouvement » – est déjà un premier obstacle à la communication.

Le dédoublement de ce « mouvement » en deux systèmes différents, selon qu’il s’agit de l’enseignement primaire ou secondaire, est également, de ce point de vue, une entrave.

Il faut compter aussi avec son découpage en deux phases successives aux appellations ingrates (mouvement inter-académique ou interdépartemental pour la première, intra-académique ou intra-départemental pour la seconde). Sans oublier que les règles appliquées lors de ces deux phases sont différentes.

Certains syndicats ayant attiré l’attention, ces dernières années, sur un ralentissement (voire un blocage) des mutations, lié notamment aux effets des suppressions de postes, j’ai donc été chargé d’enquêter sur ce sujet.

Il en résulte deux articles. Le premier s’efforce de décrire la situation d’ensemble, l’autre livre des témoignages personnels. Terminés une première fois à la mi-mars, puis réactualisés et terminés à nouveau fin mai, ces articles n’ont pas été publiés. 

Le fait de différer la publication d’un article, sous l’effet de contraintes techniques et dans l’attente du meilleur « créneau » éditorial, est toujours contrariant pour l’auteur mais très banal dans la vie d’une rédaction. Moins fréquemment, il peut arriver que des reports successifs aboutissent de fait à une non-publication.

C’est ce qui s’est produit pour ces deux articles. Ne pouvant me résoudre à  ce que ce travail soit perdu,  j’essaye de compenser cette déception en les auto-publiant ici, malgré le décalage dans le temps et la différence de nature entre un article du journal et un billet de blog.

J’en profite pour livrer ces deux articles à la sagacité critique des lecteurs de ce blog. N’hésitez pas, si vous y décelez des erreurs ou des insuffisances à me les signaler. Je ne m’attends pas à un flot de commentaires en ce début août, mais je me livrerai à un petit rappel à la rentrée.

Au fait, bonne vacances !

L.C.

Changer de poste devient plus difficile pour les enseignants

Un nouveau souci vient peser sur les enseignants : leurs  demandes de mutation sont toujours aussi nombreuses, mais la proportion de celles qui sont satisfaites est en baisse sensible ces dernières années. Dans l’enseignement primaire, le phénomène va s’accentuer à la rentrée 2011. Dans le secondaire, la situation était relativement stable jusqu’à l’année scolaire en cours selon les statistiques du ministère, mais les chiffres ne sont pas encore disponibles pour la prochaine rentrée.

Le vivier se restreint

L’idée s’installe parmi les enseignants, qu’il leur sera plus difficile de « réussir leur mobilité », pour employer le vocabulaire officiel. Dans une profession où l’on tient par le mental, le sujet accentue le ressentiment lié aux suppressions de postes – environ 66 000 depuis 2007 si l’on compte les 16 000 programmées pour la rentrée 2011.

Certes, de nombreux autres paramètres – selon les disciplines scolaires, les corps, les niveaux d’enseignement et les zones géographiques – influent sur les mutations au sein de l’Education nationale. Certaines académies, notamment celles du sud de la France, sont visées par des demandeurs qui, massivement, souhaitent quitter d’autres académies comme celle de Créteil, Versailles ou Lille.

Il n’empêche qu’à réglementation inchangée, un facteur l’emporte mécaniquement sur les autres : l’accumulation des suppressions de postes restreint peu à peu le vivier des mutations possibles. Au même moment, ce vivier est grignoté, suite à la réforme de la formation des enseignants, par l’affectation prioritaire d’enseignants stagiaires sur certains postes moins exposés.

Toutes les demandes de mutation, qu’elles soient interdépartementales (pour le l’enseignement primaire) ou inter-académiques (pour le second degré) sont classées en fonction d’un barème individuel où le nombre de points est fonction de l’échelon, de l’ancienneté, de la situation familiale, de l’état de santé… Mais un « bon barème » ne suffit pas : il faut aussi qu’un poste soit libéré à l’endroit demandé.

Le changement d’académie ou de département n’est que la première phase du régime des mutations – appelé « mouvement » dans l’éducation nationale. La demande est formulée en novembre et la réponse connue en mars. La deuxième phase du « mouvement » est celle de l’affectation à un poste précis. Elle est dite intra-départementale dans l’enseignement primaire, et intra-académique dans l’enseignement secondaire.

Pour cette deuxième phase, les résultats s’échelonnent entre la fin mai et le début juin pour le primaire, entre la fin juin et le début juillet pour le secondaire. A ce stade, le barème national ne compte plus : chaque rectorat ou chaque inspection académique ayant ses propres règles, les affectations se font selon un barème académique…

Un « tour de vis » dans le primaire

Le primaire a été moins touché ces dernières années que le secondaire par les suppressions de postes. Sur l’année scolaire 2010-2011 qui s’achève, il connaît même une situation éphémère de « surnombre » d’environ 5 000 postes, liée un effet technique de la réforme de la formation des enseignants. Mais le tour de vis est déjà engagé. « Dans les départements, les inspecteurs d’académie, assure Sébastien Sihre, secrétaire général du Snuipp-FSU, ne veulent plus prendre aucun risque sur leurs prévisions ».

En conséquence, « jamais, il n’a été si difficile de changer de département », estime le syndicat, qui a publié, fin mars, des chiffres  confirmés ensuite par le ministère. Sur les 17 104 enseignants des écoles ayant demandé, pour la rentrée 2011, leur mutation dans un autre département, 29,2 %, soit 4 993 personnes, obtiennent satisfaction contre 37,08 % en 2010, 35,74 % en 2009 et surtout 45,76 % en 2004.

Le syndicat précise que pour les mutations au titre du rapprochement de conjoints, « à peine un enseignant concerné sur deux a obtenu satisfaction » soit 53,20 % en 2011 contre 65,30 % en 2010. Enfin et pour la première fois, « 32 demandes au titre du handicap, pourtant priorité du ministère, restent non satisfaites ». Les enseignants qui n’ont pas obtenu satisfaction peuvent toutefois participer à une phase d’ajustement, hors informatique, au cours de laquelle certains dossiers sont repêchés.

La phase intra-départementale, au cours de laquelle ceux qui ont obtenu leur mutation vont être nommés sur un poste précis dans une école, est en cours en ce moment, chaque demande étant examinée par des commissions paritaires composées de représentants de l’administration et des syndicats.

Pas de chiffres pour le secondaire

Pour le second degré, aucun chiffre concernant la rentrée 2011 n’a été rendu public par le ministère, « malgré nos demandes réitérées », déplorent les syndicats. Sollicité par Le Monde, le ministère répond qu’il est « beaucoup trop tôt » pour cela et qu’il convient d’attendre la fin, début juillet, de la phase intra-académique. Seules les statistiques de l’année précédente sont disponibles.

Josette Théophile, directrice générale des ressources humaines, indique que  27 500 demandes de mutation inter-académiques ont été formulées en 2010-2011, dont 41,9% on été satisfaites, contre 43,2% en 2009-2010 et 41,3% en 2008-2009. Devant cette « quasi stabilité » sur plusieurs années, elle récuse toute prévision catastrophiste.

Mais Pierre Claustre, responsable du Snes-FSU pour l’académie de Créteil, estime que les mutations sont devenues « un sujet majeur d’inquiétude ». Selon lui « 46% des demandes émanant d’enseignants déjà en poste dans l’académie obtenaient satisfaction en 2009 et seulement 40% l’an dernier ».

A ces critiques, Josette Théophile répond que les mutations dépendent « des postes disponibles et à pourvoir en fonction de la capacité d’accueil des académies concernées ». « On ne peut pas satisfaire tout le monde ! D’autant que ce sont toujours les mêmes académies qui sont demandées. On ne peut pas rajouter un enseignant quelque part parce que quelqu’un veut venir. Ce n’est pas réaliste, quelle organisation fonctionnerait ainsi ?»

Les syndicats rétorquent que, justement, le ministère refuse d’indiquer avant le début de la procédure les capacités d’accueil des académies ou des départements. Ils ajoutent qu’à certains endroits où des mutations sont refusées, l’administration embauche des contractuels. L’incompréhension règne.

Luc Cédelle

A suivre

A Doha, l’idéologie mondiale de l’éducation (5 et fin)

Je termine ici cette série de billets (commencée là) consacrés au World Innovation Summit for Education (WISE) de Doha, au Qatar. Une manifestation singulière, déroutante mais aussi marquante et qui, depuis sa première édition en 2009, s’impose peu à peu dans l’actualité de l’éducation.

Le prochain WISE est prévu du 1er au 3 novembre 2011. Pour cette troisième édition en préparation, il faut s’attendre à ce que le considérable dispositif de communication commandité par la Qatar Foundation, organisatrice du sommet, passe la vitesse supérieure dès la rentrée de septembre.

Ce dernier billet est une voiture-balai, rassemblant certains points, disparates, que je n’avais pu aborder précédemment. L’ensemble de cette série peut être considérée aussi bien comme un traitement tardif – mais avec l’avantage du recul – du WISE 2010, que comme un éclairage anticipateur du WISE 2011.

Présence ou absence française

Certains ont déploré le faible nombre d’intervenants français dans les débats. A défaut de la France proprement dite, la francophonie est quand même présente à travers l’Agence universitaire de la francophonie, un des cinq partenaires officiels du WISE (avec l’Unesco, l’association internationale des présidents d’université, la Rand corporation, et l’Institute of international education).

L’ambassadeur de France, Gilles Bonnaud, qui a reçu en décembre 2010 les quelques dizaines de participants français, pense que ce sommet va prendre de l’importance.

Les quelques « officiels » présents, parmi lesquels Jean-Baptiste de Froment, le conseiller éducation de Nicolas Sarkozy, seront sans doute plus nombreux en novembre 2011 et l’implication française plus consistante.

Un « Davos de l’éducation » ?

Une autre forme d’implication française, en coulisses, joue quand même un rôle déterminant. De même que Richard Attias organise le forum de Bahrein, le WISE est conçu et organisé par des communicants français. Le groupe Lagardère est derrière la conception du sommet, tandis que l’agence Auditoire est chargée de son organisation.

Certains de ces communicants, en « off », évoquent une possible transformation progressive du WISE – jusqu’à présent un pur investissement à perte de la Qatar Foundation – en une manifestation rentable où, à l’instar du Forum économique de Davos, l’inscription serait payante.

Même en imaginant une échelle de tarifs très différenciés (par exemple très cher pour un grand dirigeant mais gratuit pour un militant associatif), il paraît difficile de faire évoluer le sommet dans cette direction sans le priver de perspectives.

C’est très clairement l’exceptionnel pouvoir financier – donc d’invitation et d’hospitalité – des dirigeants du Qatar qui « fait » le WISE.

L’éducation a certes toujours un coût, mais elle est le domaine par excellence du du désintéressement. Un forum à la Davos risquerait d’attirer essentiellement ceux qui sont concernés par l’éducation côté business et les représentants des grandes bureaucraties, les deux étant peu à peu coupés des vrais acteurs de terrain.

Le traumatisme de la crise perlière

Les connaisseurs du pays ont une explication pour la détermination du Qatar à s’engager à fond dans la knowledge based society. Ce serait pour anticiper la fin, bien qu’à une date encore inconnue, des ressources gazières.

Cette volonté serait dopée par le souvenir du traumatisme économique subi à partir des années 1930 lors du déclin du commerce des perles naturelles qui constituait jusqu’alors la plus grande richesse du pays.

Des milliers de plongeurs en apnée alimentaient ce commerce, qui a périclité du fait de la généralisation des procédés de production des perles artificielles. Avant d’être compensé dans les années 1950-1960 par la montée de la production pétrolière, le déclin de cette activité a plongé la population dans une période de pauvreté.

L’explication est crédible mais elle a un défaut : elle ne vaut que pour le Qatar (et un peu pour le Bahrein) alors que ce processus a été vécu par l’ensemble du Golfe arabo-persique. Par exemple, le monument qui, à Manama, capitale du Bahrein, a été détruit par les autorités à l’issue du mouvement protestataire en mars 2011 avait donné son nom à la « place de la Perle ».

Cette réserve n’enlève rien, cependant, à la détermination des dirigeants du Qatar à faire de leur pays une référence régionale et mondiale en matière d’éducation et de formation universitaire.

Un détail malséant

Au stade de l’inscription au WISE perdure (en tout cas perdurait en 2010) un « détail » si malséant à relever que personne ne le fait : il est expressément mentionné que le passeport du participant ne doit pas comporter de visa israélien. Utilité ? Sauf une pure concession aux esprits obtus, aucune.

Un visa n’équivaut en rien à un soutien à la politique du pays émetteur. Et cette exigence est d’autant plus absurde que le Qatar a par ailleurs normalisé ses relations avec Israël. Je n’avais pas ce visa, mais peu importe : accepter cette condition sans piper mot m’a fait un peu honte.

Le désir de voyage, si, présent dans le choix de la profession journalistique et si peu comblé en général, m’a dicté une petite lâcheté. Que je partage avec tous les autres invités.

Mythologie du désert

Terminons de manière plus réjouissante sur une note esthético-orientaliste.

L’alliage de la mythologie du désert, de l’ultra-modernité, des récits épiques et des effets de robes a été largement exploité par la littérature et le cinéma, de Star wars à Dune.

Au WISE, une certaine ambiance « guerre des étoiles » est garantie. Elle donne à ce fourmillement cosmopolite un cachet particulier aux yeux de l’Occidental moyen et contribue à un léger sentiment d’irréalité.

Les tenues traditionnelles des Qataris y contribuent. Blanches immaculées pour les hommes, noires pour les femmes, elles frappent par leur extrême prestance.

En ce qui concerne les femmes – du moins celles que l’on peut apercevoir dans le cadre du sommet ou bien à Education City – leur style « princesse médiévale » est impressionnant et s’éloigne de l’image habituelle de la « femme voilée ».

La abaya, robe noire à manches longues qui les couvre de la tête aux pieds, est pourtant, en principe, un vêtement des plus austères. En fait, il est aussi une illustration des paradoxes du puritanisme et des mille et une manières dont il peut être subtilement détourné.

L’étendue des variations du noir, de ses matières et de ses superpositions possibles est étonnante : tissu mat, brillant, moiré, velouté, dentelé, ouvragé, brodé, strié, nuageux, opaque, translucide, rehaussé ou non d’une touche de couleur vive…

Pourquoi maintenant ?

Quelqu’un m’a posé la question : pourquoi des articles sur le WISE si longtemps après y avoir participé ?

Accessoirement, à l’origine, parce qu’un bête incident de transmission a empêché la publication sur le site web du journal d’un article factuel très classique envoyé sur le vif depuis Doha.

Ensuite parce que les journalistes ne sont pas des machines. Il faut parfois longtemps pour réfléchir, recouper, faire autre chose que ce qui est attendu par un dispositif de communication.

A cela s’ajoute une foule d’incertitudes et de prudences indispensables sur un pays inconnu.

Enfin, j’ai beaucoup « raconté » cet article à quelqu’un qui s’attendait à le lire un jour mais n’est plus là. D’où la dédicace à mon père qui ouvre le premier billet de cette série, et termine ici le dernier.

Luc Cédelle

PS.

1)  Une information que je dois à la vigilance du site Touteduc. La Qatar foundation, dont la communication est parfaitement cadencée, vient juste de publier, le 14 juillet, une liste de 20 projets finalistes pour les six WISE awards 2011, qui seront annoncés en septembre. Ces récompenses pré-existaient au WISE prize et ne se confondent pas avec ce prix international qui devrait pour la première fois être décerné en novembre.

2) Mêmes sujets, autre versant : le 4ème congrès de l’Internationale de l’Education, la fédération mondiale des syndicats d’enseignants, se tient du 22 au 26 juillet 2011 au Cap, en Afrique du Sud en présence de 1600 délégués. Comme à Doha, les représentants de l’Unesco, de l’Unicef, de l’OCDE et d’autres organisations internationales y participent. En revanche, les médias du monde entier n’y sont pas conviés tous frais payés…

A Doha, l’idéologie mondiale de l’éducation (3)

Sous ce même titre, j’ai déjà publié deux billets [ici et ] de cette petite série consacrée au World Innovation Summit for Education (WISE) de Doha, au Qatar. Une série qui vient de loin puisque c’est au deuxième de ces sommets annuels, au WISE 2010 donc, que j’ai participé, du 7 au 10 décembre dernier.

Mais de quoi est-elle faite, cette « idéologie mondiale de l’éducation » dont, faute d’un concept plus précis, j’affirme la présence concentrée dans cette réunion internationale ? Répondre oblige à quitter le terrain tranquille de la description pour s’aventurer dans celui, plus périlleux, de l’analyse.

L’éclectisme règne

Peut-être le mot « idéologie » doit-il être pris ici comme une catégorie intermédiaire et indéfinissable entre « doctrine » et « ambiance ». Une pirouette de vocabulaire pour habiller la perplexité.

Le premier constat est en effet que si cette idéologie –conservons le mot – relevait de l’ordre végétal, elle ne donnerait pas un jardin à la française. La diversité des propositions, en tant qu’état de fait comme en tant que qualité revendiquée, est un de ses ingrédients.

Au risque du brouillage, l’éclectisme règne.

Projets philanthropiques, projets d’ONG, programmes d’éducation de base ou de formation professionnelle, initiatives mettant la technologie au service de l’éducation (à l’image du projet One laptop per child – un ordinateur portable par enfant) : rien n’est choquant et tout est a priori intéressant et positif dans ce qui est présenté.

Le WISE agrège une foule d’éléments en vrac : dispositifs, projets, pratiques, expériences, outils, méthodes, approches, etc.  Un ensemble hétérogène où personne ne semble avoir tracé des espaces distincts ni placé des repères.

La foi dans le progrès

Le deuxième constat est qu’il s’agit d’une idéologie – d’un « système d’idées propre à orienter l’action » – d’où le mot et le concept même d’idéologie sont bannis.

Manifestement, il faut être français, donc imprégné par atavisme d’un goût médiéval pour la disputatio, pour seulement y penser.

Ce type de manifestation, où s’affirme le parti-pris de ne pas avoir de parti-pris, est à bien des égards l’équivalent dans le domaine de l’éducation de ce que sont dans le débat public les organisations ou mouvements « apolitiques »… l’inclination conservatrice en moins !

Au contraire, la posture novatrice y est valorisée.

C’est d’ailleurs un des plus forts contrastes entre notre ambiance occidentale-européenne désabusée, pessimiste et découragée et celle qui prévaut dans ce genre de sommet, un de ces lieux où la foi dans le progrès semble étrangement intacte.

L’idéologie du WISE est donc implicite. Elle procède par accumulation et alignement d’évidences.

L’exaltation des « bonnes pratiques »

La notion de « bonnes pratiques » en fait partie. L’idée est que, sur tout sujet, il y a des bonnes pratiques ; qu’il faut d’abord les recenser, puis identifier les meilleures et les faire connaître afin que tout le monde puisse s’en emparer.

En ce sens, l’éducation ne serait pas fondamentalement différente du jardinage : il y aurait, pour apprendre à lire, à compter ou pour développer tels types de compétences professionnelles, des impératifs à respecter comme lorsqu’on doit semer avant ou après la pluie.

En elle-même, cette idée n’a évidemment rien de condamnable : si l’on a un potager, mieux vaut en effet y semer à bon escient. Et dans le jardin potager de l’éducation, chaque parcelle, bien sûr, appelle et mérite les « meilleures » pratiques.

C’est un principe apparemment simple… Il se complique aussitôt dès lors qu’il s’agit de définir les critères du « meilleur », qui dépendent du résultat visé et donc d’une réflexion préalable sur les finalités. « L’éducation » en général, comme finalité, est trop vague.

Entre naïveté et habileté

Veut-on, dans le potager, la meilleure tomate au goût ou la plus grosse ? Ou la plus économique à produire ? Pesticides ou culture « bio » ? Veut-on, en éducation, former une élite ou élever le niveau de la masse ? Esprit critique ou docilité ? Culture générale ou utilitarisme ? Ou tout en même temps ?

L’exaltation des « bonnes pratiques » intervient le plus souvent en état d’apesanteur philosophique et politique : soit que la question des finalités soit déjà réglée, soit qu’on préfère la contourner.

Au WISE, on peut y voir une part de naïveté, venant d’organisateurs qui découvrent les problématiques éducatives et leur complexité. On peut y voir aussi une part de volonté tactique d’éviter les sujets qui fâchent.

Peut-être aussi, dans le contexte régional, une habileté vis-à-vis des religieux : sauf à s’identifier aux pires extrémistes, il leur serait difficile de se déclarer hostiles à l’éducation en général. Surtout si celle-ci est enrobée dans un « flou ONU » ne prêtant guère aux controverses.

Les autres « évidences » omniprésentes sont exprimées à travers la constante mise en avant de la technologie et de l’innovation, nimbées de l’aura de la créativité… Le tout est généralement présenté sans recul critique, sans envisager de possibles illusions, errements ou effets pervers.

« action / réaction »

L’idéologie WISE de l’éducation, donc, ne tranche pas. Elle passe directement des généralités absolues au pratico-pratique. Comme s’il suffisait, pour être quitte sur les finalités, de déclarer qu’il faut « enseigner aux élèves comment devenir de meilleurs citoyens du monde ».

Elle ne tranche pas, en matière d’organisation scolaire, entre le privé et le public. « Chaque pays a son modèle », déclarait Irina Bokova, directrice générale de l’Unesco, lors d’un débat à ce sujet. Elle contourne la question de la présence et du rôle des pouvoirs religieux dans l’enseignement.

Elle ne tranche pas entre la centralisation et le « gouvernance » locale. Elle ne tranche même pas, au fond, entre la démocratie et la dictature, ou seulement de manière timide, dans le cadre prudent de l’implicite. Toujours le flou ONU.

L’éclectisme apolitique, le pragmatisme anglo-saxon, le sentiment d’urgence des pays émergents concourent à former un esprit « action-réaction » de recherche d’efficacité immédiate. A mi-chemin entre la mentalité de l’entrepreneur et celle de l’ONG de terrain.

Un potentiel de changement

A quelques belles exceptions près, les grands absents du WISE sont jusqu’à présent les sociologues, philosophes et historiens de l’éducation, les pédagogues et les syndicalistes. Pris tous ensemble, cela fait quand même beaucoup.

Et ces absences suggèrent une sorte de rêve libéral où, enfin délivrés des contradicteurs professionnels, l’on se retrouverait entre financiers, gestionnaires et « producteurs » d’enseignement.

Ces angles critiques ne doivent pas cependant faire oublier deux points essentiels.

D’une part et malgré toutes ses ambiguïtés, le WISE (de même que la Qatar Foundation qui en est la matrice) est quand même fondé sur une grande idée qui fournit à tous ses participants un dénominateur commun : le « droit à l’éducation ».

Ce « droit à l’éducation » est défini par les grands textes de référence des droits de l’homme, de la Déclaration universelle de 1948 (article 26) jusqu’à la Convention relative aux droits de l’enfant de 1989, en passant par le Pacte international de 1966 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Comme souvent en matière de droits humains, et comme on l’oublie facilement dans nos pays, ce qui nous paraît aller de soi (tout en étant inachevé, et parfois menacé) représente encore, ailleurs, une formidable potentialité de changement social.

Eloge de la fraîcheur

L’autre contrepoids aux critiques est que ce genre de manifestation est un intense brassage – d’expériences, de cultures, de conceptions. C’est la face positive du constat d’hétérogénéité fait au début du présent billet.

Dans cette « zone de frottement » – selon l’expression d’une ancienne rectrice française présente à Doha – il faut accepter une fraîcheur du regard. Prendre la mesure des écarts de préoccupations et de culture, relativiser ses idées les plus solides.

Accepter, donc, d’être dérangé, dérouté.

D’autant que toutes les observations ici émises portent sur des tendances dominantes. En fouillant les programmes des débats et conférences, on y trouve quelques doses d’antidote.

Par exemple, parmi les personnalités invitées en 2010 figurait Daniel Andler. Ce mathématicien de formation, fondateur du département d’études cognitives à l’ENS-Ulm est professeur de philosophie des sciences à Paris IV.

Il anime depuis 2006 le groupe Compas, qui se présente comme « un think tank consacré aux rapports entre éducation, cognition et nouvelles technologies » et où l’apprentissage du raisonnement critique n’est pas considéré comme une perte de temps.

Le jeu reste ouvert

Autre exemple : au milieu d’une accumulation de lieux communs libéraux sur le capital humain et de résurgences du New public management à la Tony Blair, j’ai même entendu, au WISE 2010, un orateur  (représentant l’université sud-africaine Stellenbosch) se référer au pédagogue brésilien Paulo Freire.

« Personne n’éduque autrui, personne ne s’éduque seul, les hommes s’éduquent ensemble par l’intermédiaire du monde », estimait l’auteur de l’Éducation comme pratique de la liberté et de la Pédagogie des opprimés, qui reçut en 1986 le prix Unesco de l’éducation pour la paix…

La knowledge based society, célébrée dans le cadre du WISE, n’est pas, ou pas encore, unilatérale et monocolore. Même dans un environnement créé de toutes pièces par les pétro-dollars, les tenants de l’éducation comme marché, aussi puissants soient-ils, n’ont pas encore gagné la partie.

Le jeu reste ouvert. Il sera intéressant de voir si le WISE 2011 accentue ou non cette ouverture.

Luc Cédelle

A suivre.

La réaction de Luc Chatel aux propos sur «l’échec d’enfants d’immigrés»

Rue de Grenelle, fin août 2010

Le 22 mai, Claude Guéant déclarait, en s’aventurant sur le terrain éducatif, que «  les deux tiers des échecs scolaires, c’est l’échec d’enfants d’immigrés ». Cette fois, la rectrice de l’académie d’Orléans-Tours déclare dans une récente interview que « si on enlève des statistiques les enfants issus de l’immigration, nos résultats ne sont pas si mauvais ni si différents de ceux des pays européens ».

Mais qu’en pense le ministre de l’éducation nationale, Luc Chatel, qui n’avait pas réagi aux propos de M.Guéant et que les syndicats d’enseignants interpellaient cette fois pour qu’il condamne les déclarations de la rectrice ?

Pour un article paru ce jour dans Le Monde daté du 22 juin, j’ai contacté M. Chatel, qui m’a répondu par écrit. Je ne pouvais reprendre que partiellement ses réponses dans l’article. Les voici en version intégrale.

L.Cé.

Etes-vous en accord avec ces déclarations de M. Guéant, puis de Mme Marie Reynier ?

Ces déclarations ont été sorties de leur contexte. Fort heureusement notre école est un facteur d’intégration et permet la réussite du plus grand nombre. Mais il est vrai aussi et c’est ce que montre l’étude PISA  que le fossé se creuse entre les bons élèves et ceux en échec scolaire et que notre capacité à faire réussir tous les élèves et en particulier ceux qui arrivent en France avec un faible niveau de scolarisation, stagne.

C’est là un des enjeux forts pour l’éducation nationale qui s’est attelée à ce problème en réformant complètement l’école élémentaire, lieu des apprentissages fondamentaux, mais aussi en développant les internats d’excellence pour les enfants de l’immigration et en donnant aux établissements  de l’éducation prioritaire les moyens de mettre en place les réponses les mieux adaptées aux élèves accueillis, avec le programme ECLAIR.

Pensez-vous que l’écho polémique de ces déclarations résulte de citations « hors contexte » ?

La rectrice Marie Reynier s’en est expliquée elle-même publiquement. Elle regrette que cette citation ait été sortie du contexte de l’interview qu’elle donnait pour présenter le projet et le plan d’actions académiques.

Précisément l’une des priorités de ce plan d’actions est de tout mettre en œuvre pour casser la spirale de l’échec scolaire qui touche particulièrement les écoles et les établissements scolaires relevant de l’éducation prioritaire.

Sa formulation a peut être été maladroite, mais la suite de l’interview était lui sans ambigüité quand elle parle de l’ambition que l’on doit avoir pour ces jeunes parmi lesquels il y a de nombreux talents. Je peux vous dire qu’elle est profondément touchée d’être ainsi soupçonnée de propos discriminatoires, elle qui est fille d’immigrés.

Que penseriez-vous d’un professeur qui déclarerait que les résultats de sa classe seraient bien meilleurs si on enlevait des statistiques les enfants issus de l’immigration ?

Je n’ose pas penser qu’il en existe ! je connais trop l’engagement, le sens des responsabilité et l’attachement aux principes de l’école républicaine des professeurs. D’ailleurs, dois-je rappeler que l’école en France, l’école publique a obligation d’accueillir, d’instruire et d’éduquer tout enfant quel qu’il soit, d’où qu’il vienne.

Propos recueillis par Luc Cédelle

« A tous ceux qui prennent nos mots » : le coup de gueule d’une directrice d’école

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Façade, Bd Richard-Lenoir, Paris

Après celui sur les évaluations , voici un autre texte émanant d’une maîtresse d’école en colère. Un autre « coup de gueule » donc, que je trouve à la fois intéressant et symptomatique de la relation dégradée entre une grande partie des enseignants du primaire et l’actuel pouvoir politique.

Le fait est que certains des opposants les plus radicaux, notamment dans la mouvance des « désobéisseurs » sont aussi des enseignants extrêmement impliqués dans leur travail, et dont l’honneur professionnel -osons les grands mots- est inattaquable.

C’est le cas de Véronique Decker que, dans le cadre de la rubrique éducation, je connais depuis longtemps. Directrice d’école à Bobigny, au milieu des tours de la cité Karl-Marx, elle et ses collègues travaillent au plus dur du plus dur, dans une école qui pratique la pédagogie Freinet.

Inutile de préciser – mais je le fais quand même – que je ne suis pas d’accord avec toutes ses affirmations. Mais la question n’est pas là : son texte est un document qui mérite diffusion, écoute et considération.

L.C.

« Lettre ouverte à tous ceux qui prennent nos mots, les retournent et leur donnent un tout autre sens »

Nous,  militants pédagogiques et syndicaux, avons travaillé tout au long du XXème siècle à l’amélioration de l’école pour les enfants du peuple. Pour en finir avec une école militarisée qui avait envoyé au front en 14 des milliers de jeunes français et des milliers de jeunes allemands, et puis encore des milliers d’autres venant de nombreux pays se battre sans réfléchir et s’exterminer sans remettre en cause ni Krupp, ni Wendel.

Nous avons inventé des projets pédagogiques permettant d’emporter toute une classe vers des apprentissages qui faisaient sens pour tous, car ces projets partaient du groupe classe, enseignant et élèves, et constituaient les individus en groupe qui coopérait pour progresser.

Nous avons inventé des évaluations par compétences permettant à tous les élèves de savoir où ils en étaient, quel était le chemin qui restait à parcourir et comment trouver de l’aide pour aller plus loin.

Nous avons inventé un socle commun qui imposait pour tous une scolarité de plus en plus longue, de plus en plus partagée, avec une scolarité en maternelle pour tous, la mixité de l’école, une orientation de plus en plus tardive, le passage du CET au lycée professionnel, et une avancée significative vers un niveau Bac pour l’essentiel des élèves.

Nous avons inventé  des temps individualisés et de soutien en classe, comme avec l’aide des RASED [réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté], des psychologues scolaires, pour pouvoir réfléchir aux difficultés et trouver des remédiations dans l’école avec des personnels formés et compétents.

Mais voilà que les adeptes du capitalisme libéral débridé se sont saisis de nos mots et les ont transformés en hydres répugnantes. Au point même que des gens pensent que pour lutter, le mieux serait de revenir aux « bonnes vieilles méthodes d’avant guerre » : bons points, blouses, classements et lignes à copier pour les punis.

Ils ont saisi le projet pour en faire un logiciel avec des cases à cocher par l’enseignant dans l’organisation d’une servitude informatisée à leurs décisions économiques et politiques.

Ils ont repris les évaluations par compétences pour constituer un fichage orwellien des personnes, de la plus tendre enfance à l’âge adulte, avec l’aide de Base élève, de Sconet et de l’identifiant unique INE.

Ils ont créé des paliers de socle commun pour justifier d’un retour de l’orientation des enfants dès la fin de l’élémentaire, puis au milieu du collège qui en a fini d’essayer d’être unique et ont créé des logiciels Affelnet 6 ème, 3 ème, Admission Post Bac… pour achever ce qu’il restait de la carte scolaire et de l’idée même d’une mixité sociale au sein d’un même quartier.

Ils ont utilisé à leur profit la notion de temps individualisé et de soutien pour en finir avec les RASED et imposer le « soutien » en classe, sans aide et sur un temps volé aux autres élèves, et reprendre des postes et des postes en supprimant toujours plus de fonctionnaires.

Dans les postes d’aide, dans ceux destinés au remplacement des malades, dans ceux utilisés pour la formation des jeunes, dans ceux réservés aux associations complémentaires de l’Ecole Publique. Et maintenant en chargeant et surchargeant les élèves dans les classes.

Derrière nos mots, il y a le sens de nos actions, celles de la construction d’une école publique, gratuite, seule à même d’apporter un progrès social qui nous concerne tous et pas une réussite individuelle au mépris des autres. 

Véronique DECKER v.decker@laposte.net

Enseignants fantômes ou estimation fantôme ? Les chiffres mystérieux de Georges Tron

Dans une déclaration faite lors d’un « tchat  » mercredi 27  avril sur le site du Monde, Georges Tron, secrétaire d’Etat chargé de la fonction publique, a avancé, à la surprise générale, le chiffre de « 18 000 professeurs dans le secteur primaire » qui « ne sont pas directement en relation d’enseignement avec les enfants ».

Les responsables des différents syndicats d’enseignants du primaire se sont indignés de ces déclarations jugées par eux « provocantes ». Ils se sont également interrogés sur le mode de calcul aboutissant à un chiffre que tous assurent n’avoir « jamais entendu » dans la bouche de leurs interlocuteurs officiels et encore moins lu dans un quelconque document.

« C’est énorme »

« 18 000 c’est énorme », remarque Christian Chevalier, du SE-UNSA, émettant l’hypothèse que la plus grosse part d’une telle estimation puisse provenir des décharges accordées aux directeurs d’écoles. Dans ce cas, il faudrait raisonner en « équivalents temps plein » et non en nombre d’enseignants, comme le fait M. Tron. Cependant, ces décharges sont justifiées : elles correspondent à un travail non seulement réel mais le plus souvent sous-estimé.

D’autre part, indique Sébastien Sihr, secrétaire général du SNUipp-FSU, 60% des quelque 50 000 écoles en France comportent moins de 5 classes, c’est-à-dire sont en dessous du seuil à partir duquel leurs directions bénéficient d’une décharge. Dans la catégorie comportant de 5 à 9 classes, la décharge est seulement d’une journée. Les directions bénéficient de 2 jours, soit une demi-décharge, dans les écoles de 9 à 12 classes, et d’une décharge complète au dessus de 12 classes.

Les membres de réseaux d’aide, les Rased, sont en constante diminution en raison de la politique ministérielle et ne peuvent être considérés comme n’étant « pas directement en relation d’enseignement avec les enfants », à moins que le secrétaire d’Etat ne veuille dire par là  « devant une classe entière ».

Les conseillers pédagogiques ne sont effectivement pas en contact direct avec les élèves, mais selon M. Sihr, leur nombre serait de l’ordre de 2500 au niveau national. Généralistes ou bien spécialisés dans les arts visuels ou l’éducation musicale, ils sont attachés à une circonscription scolaire où ils mettent en place des actions de formation et accompagnent les débutants, fonction actuellement cruciale du fait de la disparition de l’année de formation en alternance après le concours.

Même chose, mais de manière encore plus flagrante, en ce qui concerne les maîtres formateurs : au nombre d’environ 7000, ils enseignent 3 jours par semaine et sont déchargés une journée… avec mission d’accompagner les enseignants stagiaires et d’intervenir en formation continue.

S’agirait-il alors des remplaçants, dont chacun sait qu’ils ne peuvent être utilisés à 100%, à moins du supprimer toute marge de manœuvre ? Mais lorsqu’ils n’ont pas encore, par exemple en tout début d’année scolaire, de remplacements à effectuer, ils ont tous une école de rattachement dans laquelle ils effectuent différentes tâches d’appui aux autres enseignants, souligne M. Sihr.

Si les propos du secrétaire d’Etat visent les bénéficiaires de décharges syndicales, cela ne « marche » pas non plus : toutes organisations confondues, il n’y a « pas plus de 300 » décharges syndicales dans l’enseignement primaire, estime M. Sihr, dont une centaine pour son organisation. Christian Chevalier, du SE-UNSA, confirme cette estimation.

Et Thierry Cadart, du SGEN-CFDT, estime que la totalité des décharges syndicales au niveau national, en incluant l’enseignement secondaire, « ne peut pas dépasser 2000 équivalents temps plein ».

Habituer les consciences?

Les enseignants qui travaillent temporairement dans les associations d’éducation populaire, dites à juste titre « complémentaires » de l’école, ne fournissent pas non plus le gros contingent de « non affectés devant élèves » qu’imaginent volontiers certains responsables politiques de droite. Les « mises à disposition » d’enseignants payés par l’Education nationale ont en effet disparu ces dernières années.

Elles ont été partiellement compensées par des « détachements », c’est-à-dire que les associations concernées perçoivent une subvention qui leur permet (ou pas) de rémunérer directement leurs « détachés », dont le travail est alors régi par le droit privé. De plus, ces subventions sont en réduction constante ces dernières années. Elles ne permettent plus, selon les syndicalistes, de couvrir qu’au maximum quelques centaines d’emplois.

Le chiffre de 18 000 avancé par M. Tron n’est donc pour l’instant – le ministère de l’Education nationale ne l’ayant pas du tout confirmé – plus un chiffre fantôme qu’un nombre d’enseignants fantômes.

A moins qu’il ne s’agisse – c’est une pure spéculation, mais certains la trouveront tentante – de « lâcher » un chiffre dans la sphère médiatique à la seule fin d’y habituer les consciences et d’observer, dans une habile répartition des rôles entre ministres, les réactions qu’il produit… ou pas.

Luc Cédelle

Pour une « bataille du français »

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Que fait notre système scolaire avec l’apprentissage de la langue française ? Et que fait-il pour faire apprendre « sans exclure » (1) ? Pour l’observateur de l’Education nationale que je suis, la réponse est difficile : les polémiques, qu’elles portent sur les programmes ou les méthodes, sont violentes, touffues et pour tout dire décourageantes.

De l’enseignement du français, le journaliste « éducation » ne peut saisir que des bribes, éclairantes dans le contexte précis de tel cours, de tel professeur, dans telle classe. L’ensemble – le sujet « enseignement du français » au plan national – reste en grande partie insaisissable et opaque, même si, comme dans d’autres domaines, j’ai bien sûr des indignations et des inclinations.

Premier point, qui a tendance à « écraser » tous les autres aspects de la question : sans adhérer au catastrophisme militant et à ses généralisations abusives, le « niveau » en français a de quoi violemment attrister, surtout dans ces collèges, pas forcément à la dérive, où se concentrent les difficultés de toutes sortes et où le décalage (avec ce que l’on a la naïveté d’attendre) prend souvent des proportions spectaculaires.

Des discours qui habillent l’inaction

Ce qui pose d’emblée et de manière aigüe la question de l’exclusion. Chacun le sait, le niveau en français, sauf celui de certains élèves qui sont autant d’exceptions statistiques, est très fortement déterminé par les caractéristiques sociales et culturelles des familles. Loin de justifier l’excuse déterministe, cet état de fait place l’école face à la nécessité d’agir pour, sinon compenser, du moins diminuer le plus possible ces inégalités de départ.

Et là, apparaît, à mon sens, le premier gros « bug » dans le système : l’enseignement du français est surdéterminé par des conditions antérieures et extérieures à lui-même, ce qui rend très aléatoire une appréciation de son efficience.

Toutes sensibilités ou styles d’enseignement confondus, les professionnels le disent : ces inégalités – entre celui qui est plongé dans un « bain » de langue, écrite et orale, et celui qui ne l’est pas – sont déjà criantes dès la maternelle.

J’adhère donc totalement aux discours officiels qui préconisent de « mettre le paquet » dès les premières années de la scolarité afin que l’échec ne puisse s’enraciner. Et j’écume (intérieurement) de rage à constater, année après année, que ces discours sont creux et, dans le meilleur des cas, ne servent qu’à habiller l’inaction.

Mobilisation intellectuelle

La mise en place d’une politique ambitieuse dans le primaire est un sujet qui demanderait de longs développements. Je peux seulement avancer ici qu’une telle politique ne permettrait pas de pousser plus loin la réduction des postes, qu’elle ne serait probablement pas bloquée par les syndicats même si ces derniers auraient des points de désaccord et qu’elle passerait évidemment par une intense mobilisation intellectuelle des personnels.

J’insiste sur l’adjectif « intellectuel » qui engage leur professionnalité. C’est un chemin qui n’a pas été pris ces dernières années, la priorité politique ayant consisté à mettre ostensiblement les fonctionnaires au pas plutôt que faire appel à leur esprit de mission.

Supposons néanmoins, dans un scénario de politique-fiction, ce chemin parcouru : une condition nécessaire mais pas suffisante serait ainsi remplie. Il serait illusoire de penser que seule une mobilisation du primaire permettrait de gagner la partie en matière de maîtrise de la langue. Si l’effort ne se poursuivait pas aux stades ultérieurs du parcours scolaire, donc d’abord au collège, les inégalités de culture reprendraient bien vite le terrain provisoirement cédé.

Forcément un professionnel

Et que se passe-t-il, aujourd’hui, au collège ? En un mot : les professeurs, indépendamment de leur bonne volonté, y sont assignés à une tâche impossible. Ce que le système propose, quantitativement et qualitativement, n’est pas à la hauteur des difficultés des élèves, du moins des difficultés de ceux qui sont « en difficulté » – les autres s’en tirent toujours même s’ils s’ennuient parfois.

Commençons par le quantitatif. J’ai beau être journaliste, donc observateur extérieur, ce qui se passe me fend le cœur à chaque fois que j’en suis brièvement témoin. Combien de fois, voyant une copie ou une simple « production écrite » à la limite du lisible, n’ai-je pas eu l’envie de m’asseoir au côté de l’élève afin d’apporter « l’aide personnalisée » que le professeur n’était pas en mesure de dispenser !

Suivre le cheminement de l’erreur, comprendre par exemple pourquoi une règle correctement appliquée à la troisième ligne est soudain bafouée à la cinquième, et vice-versa…

Elan jusqu’à présent toujours interrompu car une « « personne extérieure » n’a pas de légitimité à intervenir et peut, par ignorance, aller tout droit vers la bêtise à ne pas faire. Et une personne « intérieure » est forcément un professionnel, dont le temps passé auprès de l’élève est comptabilisé dans ces « équivalents temps plein » que le ministère cherche à économiser…

La légitimité du terrain

Cette remarque ne relève pas de la démagogie facile sur le thème de l’école « désossée » mais du sobre constat que l’action – si action il doit y avoir – a un coût et qu’elle ne saurait exister si ce coût n’est pas clairement assumé.

Aujourd’hui, l’aide personnalisée, toutes disciplines et tous sujets confondus, est, paraît-il (dans l’ensemble, les journalistes n’ont pas encore eu l’occasion de le vérifier), mise en place dans le cadre de la réforme du lycée.

Elle n’est pas à l’ordre du jour au collège où, à part un possible rétrécissement du territoire de l’éducation prioritaire, rien de spécial n’est à l’ordre du jour si ce n’est continuer comme si de rien n’était. Continuer comme s’il n’y avait pas de problème particulier en ce qui concerne la maîtrise de la langue. Continuer avec un horaire hebdomadaire de quatre heures à quatre heures trente, dramatiquement insuffisant pour combler les manques.

Le qualitatif est plus délicat à cerner. Et, à ce sujet, l’observateur est un peu pris au piège : comment évoquer des pistes de solution sans se jeter la tête la première dans une foire d’empoigne polémique où il sera toujours dépourvu de la légitimité du terrain et miné par le doute ?

Des clivages parfois brouillés

L’observateur a suffisamment observé pour connaître tous les sujets qui fâchent, de l’observation réfléchie de la langue (ORL) au primaire, en principe supprimée par la réforme Darcos des programmes, en passant par la « grammaire de texte » au collège et l’approche de la littérature par genres et par registres au lycée en application des « programmes Viala »…

La liste n’est pas exhaustive : on s’écharpe facilement, dans l’enseignement du français et des lettres. Ayant suivi toutes ces polémiques, ayant lu beaucoup de diatribes et une bonne dose de répliques, j’ai forcément quelques avis. Mais je dois aussi rester circonspect car j’ai remarqué que les clivages entre « modernistes » et « conservateurs » sont parfois brouillés.

Il arrive ainsi que l’on trouve chez les supposés « réacs » des libertaires qui s’ignorent. Et dans les deux camps des défenseurs de l’approche sensible des œuvres – celle qui a ma préférence, mais c’est une préférence de non-enseignant ! – voisinent avec des formalistes fervents.

C’est pourquoi je me bornerai ici à une seule affirmation générale, toutefois suffisante pour me condamner aux yeux des contempteurs du « pédagogisme » : il est plus important de savoir ce que les élèves apprennent réellement que de savoir ce que les enseignants enseignent.

Ma part de naïveté

Dans cet ordre d’idées, beaucoup de points litigieux qui sont de l’ordre du qualitatif ne m’indiffèrent pas mais me paraissent absolument de second plan. Quel intérêt d’ergoter sur tel ou tel point du programme de cinquième ou de quatrième si le professeur est confronté à « des élèves qui butent sur chaque mot » ?

De même, si à titre personnel je suis plus sensible aux arguments en faveur de l’étude du Cid que de la littérature de jeunesse (qui comporte néanmoins quelques chefs d’œuvre), cela reste à mon sens au professeur de juger et de choisir.

Et – de grâce, laissez-moi ma part de naïveté – je suis absolument convaincu que tous les styles de profs, de l’explorateur pédagogique au traditionnaliste inflexible sont aujourd’hui mobilisables dans une « bataille du français » que j’appelle de mes vœux.

Je déteste l’éducation nationale quand elle fait semblant d’enseigner en sachant que les conditions n’en sont pas réunies.

36 000 manières mais un passage obligé

A quoi sert-il de relever, comme le font tous les discours officiels, que le français n’est pas seulement une « matière » scolaire mais la porte d’accès à toutes les disciplines, y compris les mathématiques et les sciences, si c’est pour ne jamais en tirer les conséquences ?

Il y a trente-six mille manières d’apprendre à bien écrire et à bien parler, mais elles passent toutes par la pratique répétée, par l’entraînement régulier et quotidien. Le temps scolaire consacré à la maîtrise de la langue, écrite et orale, doit augmenter.

En prenant éventuellement sur les autres disciplines ? Oui, même si cela paraît extraordinairement difficile à négocier. Et en impliquant les autres disciplines dans cet engagement à travailler la maîtrise de la langue ? Oui, aussi.

Et en croisant les enseignements, le professeur de français travaillant de concert avec d’autres collègues, comme dans les « projets interdisciplinaires » que j’ai pu observer au collège expérimental Clisthène ? Oui, également.

Même si cela, en soi, ne remplace pas une vaste mobilisation d’ensemble. Bref, une bataille.

L.C.

(1) Sous le titre « Mobilisation générale ? », ce texte a été publié dans le n° 489 des Cahiers pédagogiques , daté de mai 2011. Le thème du « dossier » du mois est : Faire du français sans exclure. J’ai consacré un ici un billet à cette proposition de contribution qui m’avait été faite lors des rencontres 2010 du CRAP (cercle de recherche et d’action pédagogiques).

Finkielkraut: «ni la droite, ni la gauche ne veillent sur l’école»

Cet entretien avec Alain Finkielkraut a été publié sur papier dans le supplément Monde Education au quotidien Le Monde daté du 13 avril, sous le titre : Que faire quand les bons élèves sont traités de bouffons ou de collabos ?

Professeur à l’Ecole polytechnique, écrivain, philosophe, essayiste, Alain Finkielkraut est aussi un penseur de l’éducation, côté résolument ou effrontément conservateur, qui ne craint pas de se faire souvent polémiste.

Ses prises de position contre la « pédagogie moderne », l’égalitarisme et, d’une façon générale, l’adaptation de l’école à l’air du temps sont sans concessions, comme l’illustre cet entretien où, avec son éloquence coutumière, il reste à contre-courant. Sa crainte d’une baisse du niveau dont s’accommode le système et son souhait d’une sanctuarisation de l’école reviennent sur le devant de la scène.

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En 2007, vous appeliez à « déconnecter l’école ». Le rôle de l’école n’est-il pas plutôt de former à la recherche documentaire ?

Je maintiens que l’école devrait être le lieu par excellence de la déconnexion. C’est à l’écart et à l’abri d’Internet qu’on peut former des élèves à cette hiérarchisation dont ils ont si désespérément besoin sur Internet.

L’introduction des ordinateurs à l’école ne résout pas les problèmes de l’école. Elle en crée même de nouveaux : le copier-coller, par exemple. Comme il y a toujours davantage de travaux dirigés ou encadrés, l’élève cherche son information sur la Toile. On lui demande un exposé, il se branche en général sur Wikipédia, encyclopédie coopérative, y trouve son bonheur, des liens, et vous ressort ce qu’Internet lui a offert.

N’est-ce pas, en modèle réduit, la démarche que suit tout intellectuel ?

Non. Il fut une époque où on allait en bibliothèque, on cherchait ainsi des choses qui ne vous étaient pas livrées à domicile toutes mâchées. On en arrive à réduire le monde de l’écrit à la documentation et l’information immédiatement disponibles. Et le problème qui se posera de plus en plus à notre école branchée est celui du plagiat.

Car c’est ainsi que se font des exposés, puis des mémoires, puis des thèses. On y est déjà. Pour la plupart des disciplines scolaires, Internet ne sert strictement à rien. Le meilleur moyen d’étudier un poème de Baudelaire est de se concentrer sur le texte lui-même et non de se dispenser de toute quête personnelle grâce à l’immense documentation qu’Internet peut offrir.

On ne peut pas apprécier Baudelaire s’il arrive sur l’écran de l’ordinateur ou du téléphone portable ?

Si, bien sûr. Mais commençons par le livre et, ensuite, éventuellement, utilisons ces merveilleux outils que sont les ordinateurs. Car ils offrent un grand nombre d’agréments, j’en conviens. En plus de délivrer de la documentation, l’Internet est un espace interactif : on communique, on « tchate », on bavarde, on jacasse…

Beaucoup de parents sont désarmés devant l’ampleur du phénomène. Il n’est plus aucun milieu social où la transmission du goût de lire ne soit devenue très difficile car l’enfant ou l’adolescent est tenté de passer toutes ses heures de loisir à l’écran avec ses copains. Or c’est seulement dans la solitude que peut s’épanouir la lecture. Et c’est précisément cela que l’Internet fait perdre.

Ne peut-on reconstituer une solitude de réflexion tout en restant connecté ?

Sans doute, mais si l’on s’en tient au cas de l’élève, il lui faut, à un moment donné, s’abstraire du monde environnant, de son agitation, de son brouhaha, de sa fébrilité, pour se confronter à l’objet de culture silencieux et transcendant qu’il lui est proposé de comprendre. Ceux qu’on appelle les digital natives me semblent en très mauvaise posture. Parce qu’ils lisent, certes, mais plus de la même façon. Ils surfent, ils naviguent et, dans leur grande impatience, ils ont tendance à remplacer le savoir par l’accès au savoir.

Se forgent ainsi des personnalités de plus en plus réfractaires à la lenteur et au livre lui-même. Ce livre dont Derrick de Kerckhove dit qu’il est « un lieu de repos pour les mots écrits ». Cette fixité du livre est absolument cruciale. Elle est éminemment formatrice. Et l’école devrait corriger Internet, ne serait-ce qu’en luttant contre le je-m’en-foutisme linguistique dont il est le vecteur.

L’écrit triomphe, mais c’est un écrit délivré de l’orthographe, de la syntaxe, de l’étymologie, de l’histoire de la langue. C’est donc à l’école de restituer cette profondeur. Comment ? Par des dictées ! En disant cela, je suis conscient d’aggraver mon cas, puisque ce qui était hier le discours même de l’émancipation est aujourd’hui affublé d’une image réactionnaire.

Vous dites que l’école doit « corriger » Internet. N’écartez-vous donc pas l’idée d’en faire un apprentissage critique ?

Je ne l’écarte pas totalement mais c’est un aspect subalterne de la tâche du professeur. L’école doit cultiver les élèves de façon qu’ils puissent être très vite et d’eux-mêmes sensibles aux approximations, aux faiblesses, voire aux erreurs et aux mensonges qui courent sur la Toile.

Depuis le début des années 2000, vous avez été reçu par tous les ministres de l’éducation. Vos prises de position sont très appréciées à droite, sans être suivies d’effets…

Avec son austérité, sa rigueur, son exigence de lenteur et la place centrale qu’elle fait au livre, l’école est de plus en plus anachronique. Il appartient, selon moi, aux responsables politiques, qu’ils soient de gauche ou de droite, de veiller sur cet anachronisme. Or ni la droite ni la gauche ne le font.

L’une et l’autre n’ont qu’une idée en tête : adapter l’école, c’est-à-dire la noyer dans le monde bariolé, égalitaire et « instantanéiste » de la techno-démocratie.

Je me sens donc en porte-à-faux avec la droite et la gauche. En matière culturelle, la droite mène la même politique qu’une gauche, infidèle à son grand héritage, avait lancée à l’époque du mitterrandisme.

En novembre 2010, le rapport la « Culture pour chacun » du ministère de la culture, estimait que « d’une certaine manière, le véritable obstacle à une politique de démocratisation culturelle, c’est la culture elle-même ».

Sous le noble prétexte de combattre « l’intimidation sociale », on abolit sans vergogne la frontière entre la culture et l’inculture ! Cette vision des choses est très active à l’école, où je ne vois pas aujourd’hui de différence fondamentale entre une politique de droite et une politique de gauche.

Historiquement, la gauche a pourtant porté l’idée de l’exigence pour tous…

Bien sûr ! Et même « l’élitisme pour tous », selon la belle formule d’Antoine Vitez. Or la gauche a tourné le dos à cet héritage. Elle accompagne le grand processus d’égalisation décrit par Tocqueville : puisque nous sommes tous semblables, nous sommes tous égaux. Et puisque nous sommes tous égaux, toutes nos pratiques se valent.

Il y a quand même une particularité de la droite ces dernières années, c’est qu’elle pense que l’anachronisme dont vous parliez est coûteux…

Certains s’en prennent à l’école au nom du principe d’égalité, d’autres au nom de principes économiques. Les arguments peuvent être différents. Je vois malgré tout une convergence pour aligner l’école sur l’esprit du temps. Cependant, je ne voudrais pas accabler les hommes politiques, tant leur marge de manœuvre est devenue étroite.

Toute réforme de l’école qui irait dans le sens de la rigueur et de l’exigence se heurterait à une mobilisation générale des syndicats d’enseignants, des associations de parents d’élèves et des élèves eux-mêmes. Ce ne serait tout simplement pas gérable.

Syndicats et associations défendent aussi la culture pour tous…

Sauf qu’elle s’est transformée en droit au baccalauréat pour tous ! Au lieu d’élever, ce qui est très difficile, une classe d’âge au niveau du baccalauréat, on a abaissé le baccalauréat au niveau d’une classe d’âge formatée par les « tchats » sur Internet. Imaginez que l’on redonne un peu de consistance au baccalauréat, cela nous ferait passer de 85% de réussite à peut-être 70% ou 65%… Mais alors, ce serait déjà l’émeute !

Pourtant, comme le voyait très bien Laurent Schwartz, il faut réintroduire de la sélection. Si vous voulez que le bon usage de la langue soit appris, il faut sanctionner le mauvais usage. A cela on vous répond, au nom de la lutte contre les discriminations, que tous les usages sont légitimes et qu’il ne faut laisser personne sur le bord du chemin.

Dans l’école humanitaire qui a succédé à l’école humaniste, la mauvaise note tend à être perçue comme une humiliation et le redoublement comme un supplice médiéval. Donc vous n’êtes pas en mesure d’assurer cette transmission parce que les instruments dont vous avez besoin vous sont retirés ! Il faut ajouter une difficulté à laquelle tout le monde est confronté et qu’on n’ose pas aborder de front : l’hostilité d’un nombre grandissant de « jeunes » à la culture scolaire. Que faire quand les bons élèves sont traités de bouffons ou de collabos ?

Ce qui m’inquiète aussi, c’est que l’une des raisons de l’irrespect à l’égard des professeurs est qu’ils ne peuvent prétendre, avec leurs petits salaires, incarner une élite.

Ils peuvent incarner le désintéressement…

Oui, mais, aujourd’hui, c’est comme s’il n’y avait plus de grandeur que matérielle, et c’est là aussi que l’on retrouve l’anachronisme de l’école. On rend rituellement hommage aux « profs », mais les Hussards noirs de la République n’ont pas leur place dans la nouvelle élite sociale.

Les amuseurs, les comédiens, les rappeurs qui ont pignon sur rue, tels Fifty Cent et son film Get Rich or Die Tryin’ (« Sois riche ou meurs en essayant ») sont des révoltés pleins aux as !

L’école n’est pas chez elle dans ce climat d’urgence et d’impatience, dans ce monde où on en veut toujours plus, où les médiations apparaissent inutiles, bizarres, fastidieuses et où l’admiration pour les grandeurs de l’esprit n’a presque plus cours.

Vous n’avez pas répondu sur le fait qu’on vous « récupère » pour produire du discours sans appliquer vos idées…

D’abord, je ne suis pas aussi sûr qu’on me récupère, comme vous le dites. Et si on le fait, c’est, vous avez raison, sans aucune conséquence. Nous sommes pris dans des processus, techniques, hyper-démocratiques… Pour le bien du monde, pour le bien des adultes et des enfants, et donc pour le bien de la démocratie elle-même, un parti politique possible devrait prendre en charge la résistance à ces processus. Ce parti n’existe ni à droite ni à gauche.

L’écologie, certes, propose un nouveau paradigme : non pas changer le monde, non pas le refaire, mais l’épargner et, comme disait Camus, empêcher qu’il se défasse. Mais les écologistes réduisent le souci de la Terre à une préoccupation environnementale et, pour le reste, ils continuent autant qu’ils le peuvent à la transformation de tous les désirs en droits. Cela n’est certainement pas à la hauteur des défis de notre temps. Le parti de la résistance aux processus n’existe pas.

Propos recueillis par Luc Cédelle

Ecole primaire : les motivations profondes des instits «désobéisseurs»

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C’est un texte que vient de mettre en circulation une « instit » engagée dans le mouvement dit des « désobéisseurs », qui refusent d’appliquer certaines des réformes ou des dispositions des ministères Darcos et Chatel.

Daté du 26 mars et mis en ligne sur le site clermontois «Quelle école pour demain?», ce texte s’intitule « Evaluations nationales CE1 2011 : mon engagement ». C’est un appel à boycotter ces prochaines évaluations, qui auront lieu du 16 au 20 mai 2011. Par rapport à d’autres textes ou communiqués émanant de cette mouvance, il constitue à mes yeux un document particulièrement intéressant.

Sécession mentale

Il résume très bien l’état d’esprit et les motivations de ceux qui, parmi les fonctionnaires de l’Education nationale, décident de franchir ce seuil de la désobéissance. Mais il en dit long aussi sur un phénomène plus large de « sécession mentale » que vivent beaucoup d’enseignants aujourd’hui face au système dont ils dépendent.

En creux, c’est aussi un acte d’accusation contre les ravages d’un mode de pilotage du système éducatif selon des intérêts politiques à court terme (depuis mai 2007 : montrer à l’électeur que l’on sait mettre au pas les fonctionnaires-de-gauche-toujours-en-grève).

Ce mode de pilotage consiste à tout imposer « d’en haut » et à plaquer des mesures (l’abandon du samedi, les programmes de 2008, la mise en extinction des RASED – réseaux d’aide spécialisés aux élèves en difficulté – les nouvelles évaluations, etc.) en considérant les quelque 350 000 enseignants du primaire comme de purs exécutants.

Des professionnels aux exécutants

Des exécutants que l’on n’a donc pas besoin de convaincre, auxquels il suffit de donner des ordres et qui n’ont qu’à épouser la forme des caprices, des lubies ou des géniales décisions des politiques au pouvoir. Donc tout, sauf des professionnels motivés et responsables, dotés d’une autonomie dans leur travail.

Vous prenez un professionnel motivé, vous commencez par lui faire comprendre que tout ce qu’il a fait jusqu’à présent était plutôt mauvais, vous lui ôtez toute marge de manœuvre personnelle, vous le pliez à cette idée qu’il n’est pour vous qu’un exécutant… Bravo, vous avez tout perdu.

C’est, en caricaturant à peine, la position de l’actuel pouvoir politique face au monde de l’enseignement primaire : une attitude non pas pousse-au-crime mais pousse-à-la-désobéissance. Ou, ce qui est pire, à l’atonie massive. A la non-opinion. Au fatalisme, là où le volontarisme est depuis toujours le moteur.

L’enseignement primaire était paisible lorsque le quinquennat a débuté. Cette opportunité n’a pas été exploitée pour avancer sur « le » sujet important : améliorer l’efficience du système et étouffer à la source, avant qu’il ne s’incruste, l’échec scolaire lourd qui retentit ensuite de niveau en niveau.

Des «chiens méchants»?

Il y avait, il y a toujours pour cela des syndicats avec lesquels il est possible de parler. Seule l’ignorance, les préjugés, l’opportunisme et la paresse politique entretiennent le mythe des syndicats qui « bloquent tout » à l’école primaire. Des « chiens méchants » selon une parole dure prononcée par Marcel Gauchet, en 2009, dans un débat à l’EHESS.

J’ai déjà exprimé ailleurs, notamment ici, les réserves que m’inspire, ainsi qu’à d’autres observateurs, le concept de désobéissance civile appliqué à l’enseignement. Je n’y reviendrai pas aujourd’hui. Je ne suis pas l’ennemi des désobéisseurs. Simplement et comme d’autres, j’examine leur démarche sous un œil critique.

Le texte qui suit est, je le répète, un document. Je n’avalise ni ne cautionne aucune des affirmations qu’il contient et dont la vérification me prendrait (ou me prendra) beaucoup de temps. Mais j’invite à constater que c’est un texte éloquent, sincère et respectable, témoignant d’une énergie disponible et qui n’est pas fatalement destinée à s’investir dans le conflit.

Conflit et gâchis

A propos de conflit, et de gâchis, cette information : François Le Ménahèze, exerçant dans une école de Loire-Atlantique, enseignant reconnu et apprécié, animateur national au mouvement Freinet, a appris début avril qu’il serait convoqué en commission disciplinaire pour avoir refusé de passer les évaluations 2009-2010.

Pour les mêmes motifs, l’inspection académique lui avait déjà refusé en novembre 2010 un détachement comme formateur à l’IUFM de Nantes. Selon le « réseau des enseignants du primaire en résistance », qui veut en faire « une affaire nationale » il risquerait un abaissement d’échelon ou une mutation d’office.

Assez commenté. Place au texte. Il est signé de Marie-Odile Caleca, professeur des écoles à Clermont-Ferrand et membre elle aussi du « réseau des enseignants du primaire en résistance  ».

L.C

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Ajout du 13 avril 2011:

La compagnie NAJE (nous n’abandonnerons jamais l’espoir) a mis en scène ce texte. Voici le lien pour la vidéoComme on dit dans les collèges, ça déchire…


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Les évaluations CM2 sont passées, les évaluations CE1 se profilent, l’heure est aux grandes décisions !

En tant qu’enseignant-fonctionnaire-qui-fonctionne, je m’engage donc :

  • à stresser mes élèves, en leur imposant des épreuves et un protocole de passation totalement inadaptés à leur âge,
  • à respecter un codage binaire de correction qui transforme, de façon très arbitraire, chaque élève en une ligne de « zéros » et de « uns » (les autres codes ne sont pas pris en compte lors du relevé)
  • à faire remonter les résultats obtenus, dont je sais qu’ils ne veulent rien dire, pour que les inspecteurs s’en saisissent et « pilotent » artificiellement les écoles et les personnels
  • à utiliser les résultats obtenus, dont je sais qu’ils ne veulent rien dire, pour trier mes élèves,
  • à envoyer, sur cette base, des enfants à des stages et des heures de soutien qui ne leur apporteront aucune aide spécialisée efficace,
  • à mentir aux parents en leur assurant que les résultats sont anonymés, alors qu’ils sont joints au dossier de leur enfant, et que ce dossier sera dès l’an prochain informatisé,
  • à laisser croire que l’ensemble du dispositif est scientifique et rigoureux.

Pour améliorer les résultats de mes élèves, et gagner l’estime de mes cadres hiérarchiques, je pourrai toujours :

  • éviter de prendre dans ma classe / mon école, des élèves qui risqueraient de trop faire baisser mon taux moyen de réussite ;
  • consacrer la plus grande partie de l’année scolaire à dresser mes élèves à répondre à des questions sans intérêt, au détriment des autres apprentissages ;
  • faire bachoter mes élèves sur la version 2011 dès qu’elle sera diffusée ;
  • apporter, en cours d’épreuve, une aide plus ou moins ciblée et détaillée, pour éviter toute défaillance qui porterait préjudice au score global…

Cependant, si mon objectif est d’obtenir un classement de type « éducation prioritaire », et si j’espère le maintien des subventions spécifiques qui y sont associées, je veillerai à inverser tous ces choix, et j’appliquerai sans pitié les temps et consignes de passation de la façon la plus stricte.

Ainsi, la politique actuelle appliquée à l’école sera cautionnée.

Ainsi, les effets néfastes de la surcharge des classes, de la suppression des remplaçants, de la déscolarisation des 2 ans en zones défavorisées, de la suppression des RASED et de la destruction des petites structures seront masqués.

Ainsi, les fichiers informatiques des élèves pourront être alimentés.

Je recevrai, si le budget de l’éducation nationale le permet encore, une prime de 400€, en paiement de ma docilité.

Tout cela m’écœure et me rend malade.

Je n’en peux plus d’attendre une consigne syndicale unifiée qui n’arrivera pas.

Je n’en peux plus d’essayer d’adapter à la marge les consignes de passation de ces évaluations, en espérant que les effets néfastes sur les élèves et sur la gestion de l’école resteront limités.

Je n’en peux plus de voir à quel point ces évaluations influent de façon négative sur ma pédagogie.

Je n’en peux plus de voir l’impact qu’elles prennent malgré moi sur les élèves et leurs familles…

Je n’en peux plus de recevoir cette prime de 400€, qui ne représente rien d’autre que le prix de ma soumission.

Je n’en peux plus de m’astreindre à ne pas trop penser aux dérives que le pilotage par le chiffre ne va pas manquer de provoquer.

Je n’en peux plus de m’astreindre à ne pas trop penser.

J’ai décidé de ne pas/de ne plus être un rouage de ce dispositif. Je boycotterai ces évaluations.

Je n’en ferai pas remonter les résultats.

Si je n’enseigne pas dans le niveau concerné, je me rendrai solidaire de ceux et celles qui les boycotteront. Je demanderai à être mis en cause à mon tour si l’un d’entre eux est convoqué ou sanctionné pour cette action.

Je peux aussi donner un sens collectif à cet engagement, et signer la charte de résistance pédagogique.

Je rejoindrai ainsi ceux qui construisent une action concrète et efficace pour alerter les parents et les enseignants sur les dangers de ces évaluations nationales et pour contrer ce dispositif.

Marie-Odile Caleca

L’armée chinoise, les chemins de fer indiens et le collège-lycée expérimental d’Hérouville St-Clair

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Caen, 10 février 2011, grilles du rectorat. Manifestation intersyndicale contre les suppressions de postes dans l’académie

Selon les représentants du collège-lycée expérimental d’Hérouville St-Clair (le CLE que ses familiers appellent « Clé »), le rectorat de Caen considère comme relevant de la « désinformation » les articles parus dans les médias sur cet établissement dont l’équipe se bat pour ne pas subir une (nouvelle) réduction de ses moyens.

Les deux articles que j’ai publiés sur ce sujet, l’un ici , l’autre dans la zone du monde.fr réservée aux abonnés, sont donc forcément englobés dans cette accusation. Celle-ci arrivant par ricochet, et ne me visant pas nommément, l’offense est donc minime, voire inexistante.

Mais ses motifs sont intéressants et apportent un éclairage à une actualité qui ne l’est pas moins.

Je pensais avoir posément exposé la situation de l’établissement. En particulier, je ne cachais nullement que la perte de « seulement » deux postes, sur un effectif d’environ 35 équivalents temps plein, représentait pour l’équipe du Clé une vraie difficulté en termes de mobilisation.

Comment crier à l’assassinat lorsqu’on vous enlève deux postes et alors que toute l’académie, à des degrés divers est touchée ?

Un « effort » collectif

Les autorités, dans ce cas, ont beau jeu de mettre en avant la participation à un « effort » collectif (même si la pertinence de cet « effort » et l’emploi de ce mot peuvent être contestés), et c’est précisément ce qui s’est passé, ce qui se passe encore.

Cependant, connaissant bien les démarches expérimentales, leurs forces et leurs points de fragilité, j’ai expliqué en quoi la perte de ces deux postes était réellement un coup sévère porté à la démarche pédagogique du Clé.

Dans son argumentation pour contester les articles parus, le rectorat souligne que les deux postes perdus (correspondant à deux personnes physiques en moins) seraient compensés par des heures supplémentaires. Il n’y aurait donc, en fait, pas de perte !

Si l’argument permet de comprendre comment, psychologiquement, les représentants de l’administration parviennent à se persuader de leur bon droit, il révèle involontairement une non-écoute, un refus d’intégrer la logique propre à l’expérimentation.

Plaisir professionnel

Cohérents avec leur approche du métier, les enseignants du Clé, comme ceux d’autres structures membres de la FESPI (fédération des établissements scolaires publics innovants), assument un temps de présence très supérieur aux obligations de service : dans ce cas précis, 26 heures hebdomadaires.

Ce qu’ils perdent en astreinte, ils le gagnent en plaisir professionnel, en fierté d’agir selon les exigences qu’ils se donnent et en paix intérieure. S’il doit être limité, discipliné pour ne pas brûler précipitamment l’énergie nécessaire, le surcroit d’investissement personnel est une réalité incontournable dans ce type de projet, où la notion d’heure supplémentaire est des plus ténues.

En d’autres termes, dire à ces enseignants que leurs deux postes en moins seraient compensés en heures supplémentaires relève de l’absurdité. Ils sont déjà, structurellement, à leur maximum. C’est leur mode de travail. Et ils ne l’ont pas choisi pour »gagner plus »…

Leur dire qu’ils seront en quelque sorte indemnisés de la perte de deux personnes, c’est leur offrir un plat de lentilles en échange d’une dégradation de leur projet professionnel.

Bateau de course

Une image maritime me semble appropriée. C’est un peu comme si l’on disait, en pleine traversée, à l’équipage d’un bateau de course : on vous enlève deux gars, mais ne vous en faites pas, on vous redonne l’équivalent en heures…

Par ailleurs, toujours selon les représentants du « Clé », le rectorat aurait également utilisé le mot « indécence » pour évoquer leurs protestations.

Je ne peux m’empêcher d’envisager que l’indécence pourrait être ailleurs.

Par exemple, dans la poursuite acharnée des réductions de postes d’enseignants dont toutes les forces vives de l’Education nationale – et donc pas seulement les syndicalistes « classiques » – disent aujourd’hui qu’elle génère des « tensions », pour parler comme les inspecteurs généraux.

L’indécence pourrait être aussi – c’est une autre hypothèse – dans le fait qu’une expérimentation pédagogique archi-reconnue, ancienne, une expérimentation « méritante » en quelque sorte, doive encore se défendre au bout de… 29 ans d’existence.

Ou plutôt, il faudrait inverser la proposition : ce n’est pas le « Clé » qui « en est là ». C’est l’Education nationale qui, en plein discours gouvernemental sur la responsabilité, l’autonomie, le travail d’équipe et la logique de projets, en est encore à décourager ses passionnés. Quelle misère!

Luc Cédelle

PS. Il va de soi que si le rectorat m’envoie un communiqué sur cette affaire, je ne manquerai pas de le publier ici. Mais en attendant, et pour justifier le titre de ce billet, voici le texte intégral du communiqué de l’équipe du Clé, dont les représentants avaient été reçus le 17 février, au lendemain d’une manifestation très réussie dans les rue de Caen (Calvados).

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Indécence et désinformation

Le 17 février 2011, Madame Sarlandie de la Robertie, recteur de l’académie de Caen, a reçu une délégation du Collège Lycée Expérimental (le CLE) d’Hérouville-Saint-Clair, composée de trois enseignants, un représentant des élèves et un représentant des parents.

Après s’être étonnée de la présence d’une élève dans une réunion de ce genre, ce qui montre sa méconnaissance du fonctionnement du CLE, elle a déclaré ne pas comprendre l’action des parents d’élèves, jugeant cette dernière « prophylactique » au regard du maintien de la dotation horaire de l’établissement.

Madame le recteur, a d’ailleurs souhaité à de nombreuses reprises que la délégation la remercie de ce maintien. Et ce, sans tenir compte des activités et du nombre d’élèves supplémentaires accueillis par le CLE ces dernières années et qui expliquent cette non-réduction.

Madame le recteur ne considère pas le retrait de deux postes en moyens humains comme une réduction de moyens, car il estime compenser cette perte par des heures supplémentaires. La délégation a expliqué, démontré que cette mesure est une remise en cause profonde du fonctionnement du CLE et qu’elle va à l’encontre des engagements pris, en Novembre, par Mme Hotyat, prédécesseur de Mme Sarlandie de la Robertie.

Au cours de l’audience dont le climat tendu est apparu aux membres de la délégation, Madame le recteur, a fréquemment utilisé les mots d’ « indécence » pour qualifier les revendications de la délégation et de « désinformation » pour dénoncer les articles rédigés par la presse à notre sujet.

Le Collectif considére que l’indécence serait de laisser mourir un projet né en 1982 qui a su s’adapter, un projet qui pendant toute cette période a su profiter aussi bien à ses usagers qu’à l’institution.

Le Collectif estime n’avoir jamais transmis d’informations qui soient fausses et avoir fait confiance à tous ceux à qui l’établissement ouvre ses portes pour les laisser se faire une opinion sur son fonctionnement, portes qui restent ouvertes à tous ceux qui le souhaitent et qui désirent connaître réellement son fonctionnement.

En revanche, Madame le recteur en communiquant une information très partielle sur le maintien de notre DHG, a omis sciemment de rappeler la perte sèche de deux postes et leur transformation en 36 heures supplémentaires.

Madame le recteur a signifié que l’Education Nationale Française était l’organisation mondiale la plus nombreuse après l’armée chinoise et le chemin de fer indien, ce qui laisserait entendre que notre encadrement serait pléthorique alors que, le rapport que vient de publier le Centre d’Analyse Stratégique, encadré par le Premier Ministre, prouve que la France a le taux d’encadrement par élève le plus faible d’Europe.

Le Collectif pense que le CLE est porteur d’un projet humain…. qui implique des engagements humains et qui ne peut être pensé dans une simple logique budgétaire.

Par conséquent, le Collectif s’oppose fermement aux décisions qui mettent en péril le projet fondé en 1982. Il demande publiquement au Ministère de l’Éducation Nationale de se prononcer sur la pérennisation des structures expérimentales.

Le Collectif

PS bis. Voici également, en « bonus », un extrait d’un communiqué de la FSU départementale, qui semble révélateur d’un certain climat local, froid et venteux comme il se doit :

Non content d’avoir fait la Une de la presse locale et nationale en attribuant les heures de fonctionnement des collèges en fonction de leur taux de redoublement, l’Inspecteur d’Académie du Calvados défraye de nouveau la chronique en s’adonnant à un acte de répression syndicale unique en son genre.

Suite au collage de 359 silhouettes matérialisant les 359 suppressions de postes prévues à la rentrée 2011 (académie de Caen) sur la façade de l’inspection académique, l’Inspecteur d’Académie du Calvados a déposé plainte contre la FSU, première fédération de la fonction publique de l’État et première fédération de l’Éducation. Sylvian MARY, son secrétaire départemental, est convoqué lundi 7 mars à 10H au commissariat d’Hérouville Saint Clair.